De grandes ambitions by Antoine Rault

Auteur:Antoine Rault [Rault, Antoine]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Éditions Albin Michel
Publié: 2020-05-29T00:00:00+00:00

Elle lui a raconté l’histoire de cet amour si semblable au leur qui s’acheva par le suicide de Gabrielle. Ils en ont parlé. Ils ont vu le film. Une autre époque. Mourir d’aimer ? Jamais de la vie ! Vivre d’aimer. Aimer et vivre.

Les regards, les chuchotis, les médisances : ils s’en moquent. Ceux qui les jugent sont des envieux. Ils leur envient l’amour qu’ils ne connaîtront jamais. L’amour, le vrai, l’inattendu, l’irrésistible, a toujours eu quelque chose de scandaleux aux yeux des bonnes âmes, des gardiens de la vertu, des frustrés et des amers.

Frédéric et Frédérique vont du même pas, si forts de se savoir ensemble. Ils ont salué le ministre que Jacques Bernstein leur a présenté. Petit à petit – ça va vite, ils sortent tous les jours –, ils connaîtront tout le monde, c’est-à-dire les deux cents, trois cents, quatre cents peut-être personnes qu’il faut connaître à Paris. Ils voient Minos en train de parler avec la comédienne Diane Keller et un homme pas très grand aux cheveux châtains, au visage rouge. Est-ce qu’il boit ? Non, il a de la couperose. Il a un regard très intense, un nez pointu, un sourire féminin, une veste un peu chiffonnée. Critique d’art ? Diane le présente. Thomas Fournier. Frédéric pense que ce nom lui dit quelque chose. Frédérique multiplie les superlatifs pour dire à Minos toute l’admiration qu’elle a pour son travail.

– Bref, conclut-elle, on adore !

Elle dit « on », elle inclut Frédéric (elle l’inclut toujours) qui opine et complète :

– C’est d’une modernité saisissante. Et transformer le Jeu de Paume comme ça en chien, quelle idée géniale, à la fois drôle et pertinente !

– Drôle, dit Minos en dodelinant sa tête barbue, vous trouvez ça drôle ?

Aussitôt, Frédéric corrige :

– Drôle dans le sens de surprenant parce que vous questionnez la place même de l’œuvre, est-ce que j’ai mal compris ?

– Non, dit Minos prudemment. (Il ne voudrait pas fâcher un éventuel acheteur et influenceur.) C’est exactement ça.

Frédérique promet à Diane qu’ils viendront l’applaudir au théâtre dans Le Parfum de la voisine.

– On vous adore, vous savez. Et depuis longtemps. On adorait les deux sœurs flics. Comment s’appelait la série, déjà ?

– Les Pinceaux.

– Ah oui, Les Pinceaux. Pourquoi, déjà ?

– C’était leur nom.

– Ah ! Mais oui !

Pendant que Frédérique continue de bavarder avec Diane, Frédéric demande à Thomas Fournier ce qu’il fait dans la vie.

– Je suis prof d’histoire contemporaine à la Sorbonne. Et romancier.

Histoire contemporaine… Fournier… Le nom lui revient soudain.

– Vous êtes l’auteur de C’était écrit ?

Le visage de Thomas s’illumine.

– Oui.

Son essai sur les leçons de l’histoire du XXe siècle est un succès de librairie. Un succès inattendu qui lui vaut une célébrité soudaine et d’être invité à ce vernissage avec son éditeur. Il est en train de devenir l’un de ces « spécialistes » qu’on invite pour commenter l’actualité et les évolutions du monde. Il en est le premier surpris. En revanche, son roman, dont personne n’a entendu parler, Le Fantôme de mes illusions, ne s’est même pas vendu à mille exemplaires.

Télécharger

Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.